FR/EN
Sur le LithiumLes voix de ManonoContactez
The Lithium Diaries
"L'étranger a de gros yeux, mais ne voit pas".
Autorité locale du Tanganyika, avril 2022, Kalemie
Même ici, dans certains des villages les plus reculés du monde, les agriculteurs posent des questions sur le changement des saisons. Ils observent que les pluies se raréfient et que les températures augmentent. Pendant ce temps, dans les riches métropoles du monde, les décideurs politiques et les chefs d'entreprise affirment que l'humanité est en train de passer à l'"énergie verte". Les observateurs affirment que la République démocratique du Congo (RDC) et ses ressources peuvent faire partie de la solution à la crise climatique mondiale.

C'est peut-être la bonne nouvelle.

Dans le territoire de Manono, dans la Province du Tanganyika, au sud de la RDC, de vastes gisements - estimés à 400 millions de tonnes - de lithium sont en cours d'exploration. Le lithium fait partie intégrante de la fabrication des batteries lithium-ion, une source de stockage d'énergie essentielle dans le cadre de la transition verte et de la fin de la dépendance mondiale aux combustibles fossiles. Les entreprises et les particuliers se ruent sur Manono à la recherche de son lithium.

La mauvaise nouvelle, selon nos recherches, est que la population locale n'est pas suffisamment informée des impacts environnementaux et sociaux potentiels que l'exploitation prochaine du lithium pourrait avoir sur leur ville, leurs moyens de subsistance et leurs familles.
Les Manois, c'est le nom utilisé par la population locale pour se décrire, n'ont pas reçu les informations légalement requises sur les impacts environnementaux potentiels de l'extraction du lithium et sur ce que cette extraction pourrait signifier pour la communauté.

Manono est connu depuis longtemps pour son sous-sol. Manono, chef-lieu du territoire qui porte le même nom, a été établi par des colons belges dans les années 1940. Ses minerais d'étain, notamment la cassitérite, sont exploités dans la région depuis le début du 20e siècle. Tout élève congolais ayant fini le cycle secondaire normal connaît le territoire et ses abondantes richesses en étain. Lors de notre visite à Manono en mai, les habitants nous ont dit que la capitale territoriale tirait son nom d'une colline appelée Kaulu-minono (la pierre pointue en Kiluba).

Nous avons passé trois semaines à Manono en mai 2022. Certains des habitants ont décrit que pendant l'époque coloniale, la société minière du colon belge, Geomines, a amélioré la situation sociale et économique de la région. Ils ont indiqué que les employés de Geomines avaient droit à des soins de santé gratuits et à une ration alimentaire le week-end. Ils ont rappelé comment les responsables de l'époque ont planté des manguiers dans toute la ville de Manono et construit des bâtiments publics, dont une cathédrale. Quelques années après la fin de la colonisation, Geomines a changé de nom pour devenir Zaïre- Etain avant de devenir Congo-Etain sous Laurent Désiré Kabila et l'Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo-Zaïre (AFDL).

Avec la guerre du Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD), connue localement comme la guerre d'agression, les activités minières industrielles s'arrêtent et les rebelles du RCD exportent le coltan stocké lors de l'exploitation de la cassitérite. L'exploitation minière industrielle s'est arrêtée et les habitants, alors largement au chômage, se sont tournés vers l'exploitation minière artisanale. Aujourd'hui, l'économie locale de Manono est largement dépendante de l'extraction artisanale, selon les observations faites pendant près d'un mois de recherche sur le terrain.

Au cours des 15 dernières années, d'autres entreprises du secteur privé sont arrivées à Manono, obtenant des permis de recherche pour explorer le lithium dans la région et créant de nouvelles coentreprises avec des entreprises publiques pour l'extraire.

La population de Manono attend avec impatience le début de l'exploitation du lithium et la réhabilitation du barrage hydroélectrique voisin de Mpiana Mwanga, qui, selon les entreprises et les politiciens, alimentera la région et les éventuelles mines en électricité. Les Manois nous ont déclaré qu'ils espéraient que l'exploitation du lithium permettrait de financer la réhabilitation et la construction d'institutions médicales, comme l'hôpital général, et la construction et la rénovation d'écoles primaires et secondaires dans la région, ainsi que les routes et l'approvisionnement en eau de la région.

Actuellement, il faut deux semaines à un camion pour parcourir les 100 kilomètres qui séparent Manono de Kyolo, une ville située au sud où débute une route relativement bien entretenue. Il en va de même pour les véhicules quittant Manono pour Kalemie, au nord-est. Et, bien qu'elle soit située à côté de grandes étendues d'eau naturelles, la ville de Manono manque cruellement d'eau propre à la consommation. Les citoyens ont deux possibilités pour accéder à l'eau, en forant des puits ou en se rendant à une source située à environ cinq kilomètres de la ville. Mais même ces sources ne fournissent pas une eau propre, selon les habitants. Presque tous les ménages dépendent de cette eau sale et le risque de maladies d'origine hydrique est élevé.
Le lithium de Manono suscite les espoirs et les attentes de la communauté quant à l'amélioration du niveau de vie et au développement de leur ville. Il semble que les politiciens, qui ont un devoir envers leurs électeurs, et les entreprises, qui sont légalement tenues de communiquer avec la population, n'expliquent pas en détail ce qui se passe dans la ville. Très peu de personnes dans la région semblent savoir qui fait quoi, qui est qui, et au nom de quoi les différents acteurs travaillent.

D'apres la societe civile, le temps est venu pour les citoyens de Manono d'être informés de manière claire et sans ambiguïté. Les Manois doivent recevoir des informations véridiques et accessibles dans des langues qu'ils peuvent lire, afin qu'ils puissent avoir une compréhension sans équivoque du projet et de ses impacts sur leur avenir. Ce n'est qu'alors qu'ils pourront, à notre avis, fonder leurs attentes et formaliser les exigences et les circonstances dans lesquelles le lithium de Manono peut ou ne peut pas être extrait.

Les acteurs qui espèrent profiter financièrement du lithium de Manono doivent respecter, et de préférence dépasser, la responsabilité sociale et environnementale inscrite dans la loi congolaise. Cela devrait commencer par la mise à la disposition du grand public de l'étude d'impact environnemental et social (EIES) réalisée par AVZ Minerals Limited et Tantalex Lithium Resources Corporation. Une obligation légale, un petit pas vers la promotion et l'amélioration des relations entre toutes les parties prenantes et un devoir moral envers les populations locales de Manono dont la vie et l'environnement sont en jeu.

Nous souhaitons que les projets miniers contribuent au développement des communautés concernées, en tenant compte de leurs demandes, de leurs priorités et de leur bien-être. Nous pensons que les premiers bénéficiaires de l'extraction du lithium à Manono devraient être les personnes vivant autour et affectées par le projet, les habitants de Manono et la RDC.

Un habitant nous a dit pendant notre séjour dans la Province du Tanganyika : "l'étranger a de gros yeux mais ne voit pas". Nous espérons que cette page web fournira au moins une petite plateforme pour certains points de vue de la population de Manono.
Contactez
Les voix de Manono
Sur le Lithium
This project has been supported by
© The Lithium Diaries 2023